Longueuil – Beaucoup considèrent le monde de la lutte professionnelle comme le parfait exutoire, une façon de se détacher du train-train quotidien qui, en temps de pandémie, peut nous sembler oppressant.
Malheureusement, ou heureusement (selon l’auteur de ces lignes), le monde de la lutte professionnelle n’échappe pas aux bouleversements et questionnements qui secouent nos sociétés occidentales, tant étasunienne que québécoise ou canadienne.

Le mercredi 6 janvier dernier, après deux mois d’appel à la dénonciation du résultat électoral de novembre dernier, le président sortant Donald J Trump semble finalement avoir obtenu l’appui auquel il avait fait allusion, à mots couverts, lors du premier débat présidentiel. Nous y reviendrons plus tard.
Cette tentative avortée de coup d’État constitue la dernière d’une liste de raisons pour lesquelles l’auteur de ces lignes considère que la World Wrestling Entertainment (WWE) devrait prendre ses distances du quarante‑cinquième président des États‑Unis voire le retirer de son Temple de la renommée. Raisons que l’auteur aborde ci‑dessous :
Birtherism, une théorie du complot
Cette thèse complotiste affirme de façon mensongère que Barack Obama, quarante‑quatrième président des États‑Unis, ne serait pas né à Hawaii ainsi que le stipule son certificat de naissance, mais plutôt au Kenya, selon l’une des thèses les plus répandues.
Les relents de racisme anti noir sont évidents et à cela s’ajoute l’insinuation selon laquelle Obama serait de confession musulmane. Cela sous‑entend éhontément que, eut été le cas, sa foi aurait été incompatible avec la fonction présidentielle. Au racisme s’ajoute ainsi l’islamophobie. Depuis 2010, l’un des porte‑voix les plus virulents de cette théorie saugrenue, notamment via les réseaux sociaux, est Donald J Trump.
Le magnat de l’immobilier new‑yorkais semble ainsi avoir usé de cette théorie comme tremplin afin de se rapprocher du Parti républicain et y jauger ses appuis, et ce malgré qu’il ait choisi de « passer son tour » à l’élection présidentielle 2012. Donald Trump s’est même félicité « d’avoir obtenu la divulgation dudit certificat de naissance ».
Intronisation au Temple de la renommée de la WWE
La compagnie du Connecticut a intronisé le futur président lors de la cérémonie du Temple de la renommée tenue le samedi 6 avril 2013 au Madison Square Garden à New‑York, soit la veille de WrestleMania XXIX.
C’est Vince McMahon lui‑même, propriétaire de la WWE, qui a prononcé le discours d’intronisation. Rappelons que l’hôtel‑casino Trump Plaza a été le commanditaire principal de WrestleMania IV et V. McMahon a également fait référence à la « bataille des milliardaires » à WrestleMania XXIII opposant Umaga, appuyé par Vince McMahon, à Bobby Lashley représentant Trump.

Contributions électorales en faveur de Trump
Entre 2015 et 2016, la famille McMahon a donné quelque 6 M$US à Rebuilding America Now, un super comité d’action politique visant à faire élire Trump à la Maison‑Blanche. De même, ils ont contribué à hauteur de 1,2 M$US à Future 45, un autre super comité d’action politique commanditant des publicités anti‑Bernie Sanders. On compte ainsi la famille McMahon parmi les plus importants donateurs de l’ex‑président.
Nomination de Linda McMahon comme secrétaire aux Petites entreprises
Dès le début du mois de décembre 2016, Trump, alors président élu, a fait part de sa volonté de nommer Linda McMahon, épouse de Vince McMahon, à la tête du secrétariat aux Petites entreprises. Sabine Démosthènes se penche plus précisément sur les accointances et carrière politiques de Linda McMahon dans cette chronique : https://thechronicle.blog/2021/01/10/where-in-the-world-is-linda-mcmahon/.
Réaction de Trump à la tragédie de Charlottesville en 2017
Suite au rassemblement d’extrême‑droite Unite The Right tenu les 11 et 12 août 2017 à Charlottesville en Virginie, le président Donald Trump a, lors de sa conférence de presse trois jours plus tard, jeté le blâme à la fois aux manifestants et aux contre‑manifestants. Cela laisse sous‑entendre une équivalence morale entre les deux parties. Ses propos ont été dénoncés par le maire de Charlottesville Michael Signer ainsi que le candidat à la président Joe Biden, désormais président élu.
Trump face à la pandémie de la Covid-19
Le premier cas de Covid-19 a été rapporté le 20 janvier 2020. Dans les mois qui ont suivi, le président républicain a choisi d’atténuer la menace que représente la maladie lors de ses déclarations publiques. Cela ne l’a pas empêché, en privé au début du mois de février 2020, de reconnaître la dangerosité du virus. C’est lors d’une entrevue avec Bob Woodward pour son livre Rage que Trump aurait reconnu la contagiosité et la sévérité de la Covid‑19. Trump aurait ainsi sciemment amenuisé le niveau de menace représenté par la pandémie.
Coup d’État avorté
Lors du premier débat présidentiel à la fin du mois de septembre dernier, le modérateur Chris Wallace a demandé au président sortant de condamner les milices réactionnaires (notamment les Proud Boys), c’est qu’il a fait non sans rejeter le blâme sur les groupes de gauche tel Antifa : « Proud Boys, reculez et tenez-vous prêts. Mais je vais vous dire, quelqu’un doit faire quelque chose à propos de l’Antifa et de la gauche parce que la droite n’est pas le problème »[1].
Au lendemain de l’élection présidentielle de novembre dernier, Trump, son équipe et ses partisans ont eu tôt fait d’en nier les résultats. L’entourage du président n’a pas tardé à élaborer une nouvelle théorie du complot faisant état de « résultats frauduleux et d’une élection volée par les démocrates » et ce sans apporter quelque preuve que ce soit. Ce rejet du résultat électoral s’est poursuivi chez les partisans du président sur les réseaux sociaux tels Facebook, Instagram et Twitter (le général Michael Flynn et Lin Wood), et par un activisme judiciaire (Rudy Giuliani).
Quelques mois plus tard, le 6 janvier dernier, se tenait au Capitole la confirmation de la victoire de Joe Biden. Ce qui ne devait être au départ qu’une formalité protocolaire a viré à l’insurrection alors que des milliers de partisans du président sortant se sont rassemblés devant le Capitole avant de confronter les forces de sécurité et parvenir à entrer par effraction à l’intérieur du siège de la démocratie étasunienne L’émeute est survenue suite à un discours tenu par Trump devant ses partisans. Cette tentative de coup d’État a entraîné la mort de cinq personnes, dont un policier du Capitole et une partisane de Trump.

Confronté à cet événement malheureux, Trump a demandé, sur les médias sociaux, à ceux qui l’appuient de respecter les forces de l’ordre, mais le mal était déjà fait. Dans les jours qui ont suivi, les principaux réseaux sociaux ont banni le président sortant pour une durée indéterminée.
Pour conclure, l’influence malsaine de Donald Trump depuis près d’une décennie est documentée et avec les événements les plus récents, il faut se questionner à savoir si Trump n’est pas devenu un boulet gênant pour la WWE. Devrait‑elle le retirer de son Temple de la renommée comme elle l’a fait avec Hulk Hogan il y a quelques années?
[1] « Insultes et chaos marquent le premier duel Trump‑Biden ». Ici Radio‑Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1737493/presidentielle-americaine-premier-debat-trump-biden-ohio. Page consultée le 10 janvier 2021.