Simon 16, le Conquerant

Durant une belle soirée d’été autour d’une bière au restaurant Le Pourvoyeur, j’ai eu l’opportunité de m’entretenir avec l’incroyable artiste  Kenny Thomas aka Simon 16.

Le rire, la nostalgie et le hip-hop était au rendez-vous.

C’est un artiste que j’admire énormément et il a sorti il y a quelques semaines son premier E.P qui est la trame sonore parfaite de cette saison estivale.

Autour de nos bières et de nos pilons de poulet (eh oui, que voulez-vous), je me posais cette question:

J’ai toujours connu le Joker mais il me semble qui n’existe plus. Pourquoi l’assasinat du Joker et la naissance de Simon 16?
Haha! Il y a plusieurs raisons. De un, la recherche Google est assez ardue quand ton nom d’artiste est Le Joker.

Non seulement tu te perds dans le flot d’information en lien avec le personnage célèbre de DC, mais t’as aussi pas mal d’artistes établis et émergents qui choissisent ce sobriquet.

De deux, c’est un nom qu’on m’a donné quand j’étais jeune et que j’errais dans les rues de Montréal-Nord. Quoique ce nom me représente bien jusqu’à ce jour, mes jours d’errance sont loin derrière moi. Je sentais le besoin de faire peau neuve.

Pourquoi Simon 16?
J’avais une discussion avec mon ami Péo Dorion. Lui et moi sommes des grands amateurs de jeux de mots. Donc un soir on se jase de me trouver un nouveau nom d’artiste. On cherchait un nom qui pouvait être bilingue.

En discutant, l’idée de Simon 16 émerge. En anglais « Simon Says » est le nom donné au jeu « Jean Dit ». J’ai tout de suite vu le parallèle entre ce nom et le rôle du MC dans la culture Hip Hop.

Dans la culture Hip Hop, MC veut dire « move the crowd » faire bouger la foule.

C’est la fonction première du MC. Donc l’idée que ce que Simon dit se doit d’être observé par la foule était parfaite. Au niveau personnel, il y a plein d’éléments qui me lient au nombre 16. J’ai commencé à sérieusement écrire des textes à 16 ans.

Le Roland 808 qui est clavier d’importance mythique dans l’évolution du rap opère sur un principe de 16. Les couplets de rap sont généralement écrits en seize « barres » (en 4/4). Voilà pourquoi.

Avec ton EP que tu viens de lancer dernièrement, on sent qu’il y a une histoire d’amour entre toi et l’aspect plus instrumental au niveau de ta création musicale.

Est-ce que tu sens qu’il y a eu une évolution entre The Joker et Simon 16 à ce niveau?
Oui. Totalement. En fait, j’ai pris un moment pour davantage étudier le Hip Hop, vraiment disséquer la composition de la musique . Voir s’il y avait un schéma qui se dessinait , un genre de pattern. Tu ne peux pas aimer le rap sans apprécier le travail des producteurs derrière la musique.

Je me suis rendu compte qu’il y a des tracés à ce niveau. Par exemple, il y a une généalogie clairement établie entre DJ Premier du groupe Gangstarr et des producteurs tels que 9th Wonder et Alchemist. La sonorité des snares, comment les échantillons sont sectionnés, la façon de placer la basse par rapport au kick.

Il y a une science là-dedans! Quand t’écoutes Kanye West, tu peux sentir l’influence de Pete Rock. Les échantillons de trompettes et de de violons, c’est Pete Rock qui a amené la sonorité soul au rap.

Le Joker c’était un rappeur qui avait toujours quelque chose à prouver. Simon 16 c’est un étudiant avide de la musique. Je trouve ça presque plus intéressant d’analyser la musique dans son contexte social que de l’écouter par moment!

 À quel moment tu es tombé en amour avec le Hip-Hop?
La question la plus fafa au monde. C’est avec la chanson « Chief Rocka » du groupe Lords Of The Underground.

Je devais avoir 9 ou 10 ans et je l’ai enregistré à la radio sur une cassette (je trahis mon âge…haha!).

En effet enfant de la génération fin X débute Y. Notre cher monsieur Thomas continue dans son analyse du moment qu’il est tombé en amour avec le Hip Hop.

Il existe des moments parfaits dans la musique et ce morceau est parfait. Tout est bien exécuté sur ce morceau. Les couplets et les flots de Mr. Funke et de Do-It-All sont à couper au scalpel et Marley Marl a fourni le meilleur instru pour ce genre de morceau.

Jusqu’à ce jour, je ne suis pas tout à fait certain de comprendre comment il a fait pour penser à incorporer du John Coltrane, du Reggie Stepper et du Alvin Cash…du pur génie. Depuis lors j’étais accro au Hip Hop. Faut dire aussi qu’il y avait l’album « The Predator » d’Ice Cube et « Doggystyle » de Snoop Dogg….tout ça avant d’entrer au secondaire!

Ah ah, une autre question du même genre. À quel moment tu es tombé en amour avec la musique?
Les génériques de dessin animés des années 80. Kentaro Haneda Shuki Levy et Haim Saban et la musique des jeux Nintendo. Il n’existe rien de mieux afin qu’un enfant tombe amoureux de la musique.

La bande sonore des Mystérieuses Cités D’Or…de l’or en barre sans mauvais jeu de mots.

Les mystérieuses Cités d'Or

Ta famille semble être une influence pour toi. Est-ce que tu avais des membres de ta famille qui jouait un instrument?


On peut sentir l’amour de la musique qu’ils t’ont transmis.

Mes parents ont toujours aimé la musique. La maison était remplie des Nana Mouskouri et Mireille Mathieu.

Nana Mouskouri

Ce sont les deux chanteuses préférées de ma mère. Mon père a toujours eu qu’une seule cassette dans son auto….et quand je dis une seule cassette, le compte est bon. Il jouait les classiques de la musique haitienne : Tropicana, Roger Colas, Gérard Dupervil, etc.

Tropicana

Ma mère a toujours aimé l’art oratoire. Elle était enseignante de français et mon grand-père jouait dans un orchestre en Haiti.

Dans tes compositions, on retrouve plusieurs styles qui se marient très bien ensemble. Il y a plusieurs inspirations Jazz. Quels artistes Jazz qui t’ont inspiré?
Je dois dire Coltrane. Obligé. Miles. Bob James, c’est moins du jazz classique mais son style est fou. Eumir Deodato, Charles Mingus et Cal Tjader.

Quel avenir tu vois pour le hip-hop au Québec et même mondialement à travers tes yeux à toi?
Bonne question! Je pense que le Québec a beaucoup de chemin à faire en termes d’acceptation de la culture Hip Hop.

Il y a de très bons artistes ici mais le fait de parodier la culture nuit grandement à la crédibilité du mouvement musical. Le rap et la culture Hip Hop sont des mouvements artistiques et socio-culturels légitimes qui sont relativement jeune ici.

Je trouve que ton EP s’écouter super bien. Il y a des chansons qui te donnent le goût d’affronter le monde une journee et une autre fois que tu l’écoutes, tu as envie de prendre un petit verre de blanc sur une terrasse avec des amis en train de relaxer.


Est-ce que c’était un de tes buts avec tes compositions?

Peut-être de façon inconsciente! Le défi de sortir un projet sans parole est de transmettre des émotions sans l’usage de mots. Depuis la sortie du projet, j’ai vraiment des commentaires surprenants.

Il y a des morceaux qui me font vivre des trucs mais qui font vivre des émotions différentes à d’autres. Je voulais créer un moment musical qui sied à toutes sortes d’occasions et à des gens de tout acabit.

Ça a été une catharsis pour moi. J’espère que ça le sera pour plusieurs.

Quel est la suite pour Simon 16?

J’avais dans l’idée de sortir un projet qui s’intitulera « Les Tontons M’écoutent ». Ce sera un maxi qui sera une ode à la musique haïtienne que mes parents écoutaient quand j’étais jeune.

La musique haitienne est riche en histoire et en artistes qui ont contribué à l’avancement de la culture haitienne et de la musique en général.

Ensuite, je voudrais travailler sur un album qui aura pour titre « The Terrible Marvel », le titre est inspiré du livre « Mr. Gatling’s Terrible Marvel: The Gun That Changed Everything and the Misunderstood Genius Who Invented It » qui relate la vie de M. Richard Jordan Gatling et de son invention, la mitrailleuse Gatling.

Bref, je trouvais le titre inspirant.

Ce que je voulais faire c’était de raconter l’histoire de ma famille avant que je m’intéresse au rap. Un genre d’antépisode. Ça aborderait les thématiques de l’immigration haitienne, l’exode des cerveaux qui s’est retournée contre une génération entière de professionnels, du racisme, des années 80 et 90 et de la famille.

Il y a beaucoup de recherche à faire pour ce projet mais je sens que ça sera quelque chose de spécial!

Le meilleur est à venir pour ce fils du ”North Side” qui est prêt à nous amener avec lui dans ce beau voyage avec son alter ego Simon 16.

Simon says Go Track

Simon says Go!

Simon says go

 

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